Guillaume Ptak est journaliste indépendant, diplômé de l’Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine (IJBA). Installé à Kyiv depuis septembre 2021, il couvre aujourd’hui la guerre opposant l’Ukraine à la Russie.
Podcastine lui ouvre ses colonnes pour accueillir son carnet de bord. Il y racontera régulièrement son quotidien de reporter.
Odessa (06/03)
Ce dimanche à 10 heures, nous sommes arrivés à la gare d’Odessa après un voyage en train de plus de douze heures. Un long trajet, rendu plus difficile encore par mon extinction de voix. Arrivés à Odessa, la grisaille de Lviv a laissé place à un soleil radieux. Pourtant, un sentiment d’irréalité imprègne la ville. Ou bien est-ce juste moi ? L’impression diffuse mais tenace que quelque chose s’est irrémédiablement brisé.
Ses rues, autrefois si familières, me paraissent désormais étrangères. Les artères fleuries du centre-ville, parcourues à l’occasion d’une escapade romantique avec ma copine, sont hérissées de pièges anti-tanks. Des sacs de sable sont empilés devant les bâtiments de l’administration, tandis que des soldats armés de fusils-mitrailleurs font les cent pas. L’un d’eux aperçoit l’objectif d’Alexis. Il ameute un flic, l’air sévère, qui nous réclame nos papiers. En apercevant sur l’un de nos passeports un visa russe, il nous ordonne de le suivre au commissariat.
À peine arrivés, déjà embarqués. Beau début. Les policiers sont courtois, parfois blagueurs, mais semblent à cran. À l’intérieur, la lumière du soleil ne filtre plus à travers les sacs de sable. Des caisses de munition sont empilées dans une salle. Après avoir constaté que nous n’étions pas des espions russes (surprise!), ils nous relâchent. Nous rejoignons Luc, parti en reportage, et Jérôme, un volontaire français venu apporter de l’aide aux Ukrainiens. Il craint un potentiel assaut amphibie. À peine arrivé, lui repart vers l’ouest de l’Ukraine. Au terme de cette longue journée, nous décidons de nous replier vers l’hôtel.
Guillaume Ptak