Vols low cost: le temps du « juste prix »

Les compagnies aériennes low cost ont favorisé les déplacements aux quatre coins du monde, à bas coût. Mais leur modèle est menacé. Entretien avec deux économistes.

Malgré la crise engendrée par le confinement, les compagnies aériennes low cost implantées dans les aéroports régionaux arrivent à tirer leur épingle du jeu. C’est ce qu’explique Isabelle Jarjaille, dans son article « Easy Jet, Ryanair, Volotea… : le low-cost peut-il ruiner les aéroports régionaux ? » publié sur Médiacités et dans l’épisode « Aéroports régionaux : le danger mortel ? » sur Podcastine. Néanmoins, la sensibilisation de la population française aux changements climatiques et les possibles augmentations des prix des billets risquent de freiner la croissance du low cost. Eléments de réponse avec Anne Musson, docteure en économie et en écologie humaine, membre des Economistes Attérés et Gabriel Colletis, professeur d’économie à l’Université Toulouse Capitole et fondateur de l’association du MAnifeste pour l’Industrie (MAI).

La présence de compagnies low cost est devenue incontournable dans les villes. Pourquoi ?

Gabriel Colletis : Les compagnies low cost ont convaincu les villes de présupposés avantages touristiques. Une plus grande notoriété est la seule retombée positive. A l’inverse, il y a des retombées négatives en termes économiques : le coût de la mise en place des infrastructures, le coût de leur utilisation, la hausse du prix du foncier et le coût climatique. De plus, posséder un aéroport sur son territoire n’est pas forcément synonyme de santé économique. Les villes qui s’en sortent sans aéroport sont nombreuses. Leurs atouts principaux tournent autour des compétences et savoir-faire qu’elles ont développés dans différents domaines. Il n’y a pas d’aéroport à Albi, pourtant c’est une ville dynamique sur le plan économique.

 « En Gironde, il faut se préparer à ce que la viticulture évolue  »

Quelles sont les populations touchées par la pollution causée par l’industrie aéroportuaire ?

Anne Musson : Les populations insulaires sont les plus vulnérables. Tous les pays côtiers vivent des dérèglements de type ouragans ou tsunamis. En France, les DOM TOM sont touchés par la montée des eaux à cause du changement climatique. Des villes comme Toulouse, Montpellier ou Carcassonne ne subissent pas la pollution atmosphérique mais la pollution sonore. En Gironde, à cause de sécheresses et de pluies plus violentes, il faut se préparer à ce que la viticulture évolue, par exemple.  Les conditions viticoles bordelaises que l’on connaît aujourd’hui se retrouveront à Angers d’ici dix ou vingt ans. Pour l’heure, on constate une incapacité à coopérer au niveau mondial pour pallier ces futurs changements qui entraîneront une métamorphose des paysages économiques locaux, entraînant certainement des problèmes socio-économiques pour les habitantes et les habitants.

 « Il sera difficile  de faire payer un vol low cost 100 euros »

Compte tenu du pouvoir d’achat des Françaises et des Français, l’avenir de l’économie aéroportuaire est-il au low cost ?

Gabriel Colletis : Non, je ne pense pas. Les Français se rendront à l’étranger en payant le juste prix de leur transport. Un prix qui inclut le coût de la dégradation de l’environnement. Ils pourront aussi prendre davantage le train pour des trajets intérieurs.

Anne Musson : Je partage cet avis. Je pense qu’il est préférable d’envisager les transports avec des solutions déjà existantes, comme le train. D’autant que l’avenir des aéroports pose question avec le Covid. Bien que le phénomène soit pour le moment marginal, les Françaises et les Français sont sensibles à la dégradation climatique causée par l’avion et ont la volonté de soutenir l’économie de leur pays en profitant de vacances près de chez eux. Le modèle économique du séjour de trois jours à Prague ne sera sans doute plus viable car les prix vont augmenter du fait des difficultés financières du secteur. Il risque d’y avoir un seuil psychologique : il sera difficile de faire payer un vol low cost 100 euros alors qu’il en valait 30 euros avant la pandémie. Face à ces défis socio-économiques, il nous faut imaginer une mobilité plus douce. Demain, nous ne nous déplacerons plus en avion mais peut-être en dirigeable, par exemple.  

Lisa Fégné