Syndrome des ovaires polykystiques : « cinq à sept rendez-vous avant d’être bien diagnostiquée »

En écho à notre épisode du 19 octobre « Ragnagnas party : lever enfin les tabous ». Entretien réalisé lors du festival au Rocher de Palmer à Cenon.
Le syndrome des ovaires polykystiques touche, en France, une femme menstruée sur sept. Infertilité, chute de cheveux, troubles du comportement alimentaire… La pathologie est handicapante et pourtant, elle n’est que peu reconnue et prise en charge. Entretien avec Kelly Lescure, fondatrice et présidente de l’association Esp’OPK.

 

Podcastine : Qu’est-ce que le syndrome des ovaires polykystiques ?

 

Kelly Lescure : Le syndrome des ovaires polykystiques ou SOPK est l’endocrinopathie (ndlr : maladie des glandes hormonales) la plus répandue aujourd’hui chez les personnes menstruées, on parle d’une personne menstruée sur sept en France. En fait, c’est une pathologie qui va causer un déséquilibre hormonal, notamment entre les hormones féminines et les hormones masculines. Un excès d’hormones masculines va engendrer tout un tas de symptômes comme l’hirsutime (ndlr: développement excessif de la pilosité), l’acné, la chute de cheveux, les problèmes de poids, l’infertilité. On aura d’autres symptômes un peu plus éloignés, liés plutôt au déséquilibre endocrinien global, comme la migraine, la fatigue chronique, les troubles du comportement alimentaire, les troubles psychologiques, etc.

Et si elle n’est pas prise en charge, à terme c’est une pathologie qui peut entraîner des complications beaucoup plus graves comme des cancers gynécologiques, du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires.

 

Est-ce que cette maladie est connue et reconnue aujourd’hui ? Ou est-ce que beaucoup de femmes en souffrent sans le savoir et sont mal diagnostiquées ?

 

KL : Aujourd’hui, on observe énormément d’errance médicale dans le cadre du SOPK.

On sait qu’il faut cinq à sept séances avec son gynécologue avant d’être diagnostiquée, à partir du moment où on commence à parler de symptômes.

Donc ça prend beaucoup de temps et c’est quelque chose qui n’est pas reconnu. Dans la conscience collective, le SOPK ce n’est pas grave, c’est simplement un problème d’infertilité alors qu’en réalité il y a plein de problématiques autour. Malheureusement il y a encore beaucoup d’errance médicale, de désinformation, de faux diagnostics.

 

Quelles sont vos actions pour faire connaître cette pathologie ?

 

KL : On s’engage auprès des patientes, mais aussi du grand public, pour sensibiliser et informer. L’idée c’est de faire connaître et reconnaître le syndrome des ovaires polykystiques. On se rapproche également des professionnels de santé dans l’espoir de pouvoir mettre en place une meilleure prise en charge, une prise en charge qui ne se concentrerait pas que sur l’infertilité. On soutient également la recherche via des levées de fonds.

 

Est-ce qu’il existe un traitement ?

 

KL : Il n’existe pas de traitement curatif, c’est pour cela que nous avons besoin que la recherche avance, pour le confort des patientes. Aujourd’hui le traitement est symptomatique, les patientes sont mises sous pilule ou traitement hormonal apparenté. C’est ce qui permet de contrôler au mieux le syndrome des ovaires polykystiques, mais ce n’est pas un traitement en soi. On a besoin que les patientes puissent être traitées à la source et qu’on puisse dire un jour qu’on guérit du SOPK.

 

Comment expliquer un tel tabou autour de cette pathologie ?

 

KL : Pendant très longtemps, les jeunes femmes étaient mises sous pilule de manière quasiment systématique, et comme je le disais précédemment la pilule inhibe beaucoup de symptômes. Ce qui fait que l’on n’avait pas de « signal d’alerte » qui prouvait que le SOPK était là.

Aujourd’hui, on observe de plus en plus de jeunes femmes qui décident de ne plus prendre la pilule, et donc il y a une recrudescence de personnes qui souffrent. On commence à en parler et à essayer de prendre en charge le syndrome des ovaires polykystiques.

C’est vraiment récent. Notre association, par exemple, n’a que trois ans donc cela fait trois ans qu’on essaie de lever le tabou sur la douleur féminine. On a la « chance » d’avoir été précédé par l’endométriose qui a commencé à lever le tabou sur les douleurs liées au cycle. Esp’OPK prend le relais au niveau des ovaires polykystiques. Pour l’instant nous sommes la seule association nationale et européenne dédiée à ce sujet.

 

Vous arrivez à faire bouger les choses ?

 

KL : Avec les politiques pour l’instant c’est compliqué, c’est long. Aujourd’hui l’attention est tournée vers l’endométriose, et c’est une vraie priorité de santé publique donc c’est génial que l’on en parle. Mais du coup, nous sommes un peu les oubliées derrière. C’est dommage parce que c’est une pathologie qui est très apparentée, qui a des problématiques très similaires et qui touche encore plus de personnes. On a aussi besoin d’avoir une petite place auprès des personnes qui font les formations, auprès des personnes qui font des sensibilisations à la santé publique, etc.

 

Ce qui est positif, c’est que la nouvelle génération de médecins s’ouvre de plus en plus au sujet du SOPK. Mais elle commence à peine à se mettre en place et il y a encore un tabou autour de la douleur pendant les règles ou pendant le syndrome prémenstruel. La douleur est encore trop souvent considérée comme normale.

 

Crédit photo : association Esp’OPK

Mathilde Loeuille